Avertissement :
le texte décrit le sentier tel que je l'ai parcouru au début des années 1970. Des choses ont pu changer depuis ! Si vous voulez partir sur mes traces, prenez la précaution de préparer votre randonnée avec les outils d'aujourd'hui (cartes, guides...), c'est plus prudent !
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La vision de ce donjon étincelant, hiératique, majestueux, a de quoi couper le souffle. Il a un aspect démesuré, écrasant. Il inspire le respect.
Il devrait, du moins. Il a au contraire, à travers les siècles, excité la convoitise, la jalousie. Ce château, chef-d'œuvre de l'architecture militaire médiévale, a été abandonné et naguère encore, il avait triste mine. Des travaux, menés à partir de 1966 par l'Opération Taupe1, lui ont rendu sa place dans le paysage. Et pourtant, l'incroyable inertie d'administrations bornées en a empêché la poursuite2.
Je descends à pas lents dans le triple fossé. Le chemin d'accès longeait la base du rocher où il montait après un lacet, franchissant plusieurs portes formant barbacane. Un pont-levis enjambait un dernier fossé, sous le regard du donjon, pour franchir une dernière porte. Un pont de bois branlant et inquiétant a pris sa place.
Me voici dans le château, au pied du donjon, dans une cour ménagée par la chemise haute. Cette muraille enferme le donjon pentagonal massif, carré à l'intérieur pour renforcer sa résistance, et ménageait quatre niveaux d'archères pour la défense ; initialement plus basse, elle créait un chemin de ronde continu, permettant une communication extrêmement rapide. Elle porte à leur perfection les principes appliqués au Bernstein : le château est construit en enfilade derrière le donjon et prolongé par une basse-cour qu'il domine complètement. La chemise a été surélevée après 1300 pour en faire un mur-bouclier ; l'espace entre chemise et donjon était fermé à la base du donjon et n'a été ouvert qu'au 16ème siècle.
Le château haut est maintenant pitoyable. Le dégagement a mis en évidence sa ruine. Derrière les hauts murs percés d'élégantes fenêtres ogivales à remplages de grès qui éclairaient la salle seigneuriale règnent les herbes et les buissons. On repère dans la salle de garde une cheminée, éclairée par des fenêtres dans des niches à banquettes. On ne peut que deviner une cuisine avec cheminée, placards, évier et latrines. L'imagination fait le reste, d'autant plus difficilement que la répartition des pièces a encore été modifiée au 16ème siècle.
La basse cour n'existe que depuis le 14ème siècle, et elle a été agrandie vers le nord.
Ici aussi, les chercheurs de trésors ont ébréché la base du donjon... en pure perte.
Depuis le mur du midi, une ouverture révèle le Val de Villé, où la ruine du Ramstein semble grimper la pente raide ombre sinistre d'un messager de malheur.
> L'histoire de l'Ortenbourg
Le donjon jette une ombre immense sur la forêt. Arrivé sur le rebord du plateau, je ne peux m'empêcher de me retourner. Les murailles s'étirent, le granit étincelle de mille feux. C'est aussi démesuré que les remparts de Mycènes. La citadelle morte, dans son splendide isolement, refuse de baisser la tête. Elle toise avec superbe le Haut-Koenigsbourg qui se pavane sur une montagne en face et avec mépris le Ramstein qui ressemble à un guerrier en armure noire, effondré à terre au terme d'un tournoi homérique.
La pente est raide, semée de graviers qui roulent sous les pas et rendent le sentier très inconfortable. Les arbres ont masqué l'horizon. Puis le chemin se radoucit et décrit un large virage sous les grands sapins qui laissent abondamment passer la lumière. A travers les troncs se dessine la muraille noire du Ramstein.
> Quelques mots sur le Ramstein
Le sous-bois est inondé de soleil, la pente est de nouveau raide, après la terrasse du Ramstein. Les aiguilles et les pommes des conifères ont remplacé les cailloux, mais la marche n'en est pas moins délicate. Au passage sur l'autre versant, les arbres s'amoindrissent, la forêt se fait plus touffue. Une petite construction perdue en pleine forêt évoque des légendes. Le chemin est maintenant couvert de sable fin, produit de la désagrégation du granit.
De nombreux lacets mènent enfin au fond de la vallée. Voici l'auberge de Huhnelmuhl. Un ruisseau bondit sur des pierres en gerbes d'écume. Une petite route bordée de halliers, de champs et de vignes, au pied des pentes, mène à la route du vin et à Châtenois.
En arrière, le Ramstein, gagné par l'ombre, s'est éteint sur le vert sombre de la forêt. L'Ortenbourg brille toujours comme un phare. Deux civilisations se rejoignent et se mêlent. Les siècles de la chevalerie s'unissent à la circulation de la route et au sifflet lointain d'un autorail sur la ligne de Sainte Marie aux Mines.
Deux visages d'une réalité. Il serait absurde de vouloir renier le monde moderne. Il serait tout aussi insensé d'oublier les témoins et l'héritage du passé. Le phare de l'Ortenbourg s'est éteint au milieu des forêts, mais il continuera d'illuminer les cœurs.

1 devenue depuis "Chantiers d'Archéologie médiévale", elle a pris un important développement sous l'inpulsion d'archéologues compétents et enthousiastes et constitue maintenant une référence.

2 D'importants travaux de consolidation ont repris en 2003. Il reste à espérer que sous prétexte de sauvegarde ils ne défigurent pas cette magnifique ruine injustement délaissée.

© Bonnet 2004

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