Du Kastelberg au Gaschney
A travers les forêts et les montagnes des Vosges...
Le long du rectangle bleu
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En descendant de Kastelbergwasen, on traverse une chaume couleur d'or, jaunie par le soleil de l’été pour pénétrer dans une hêtraie d’altitude où le sol commence à se couvrir des premières feuilles mortes qui tombent déjà des arbustes. Plus tard dans la saison, le sol sera partout recouvert d’un tapis orangé, et lors des premières pluies de septembre de petites gouttelettes resteront collées sur les branches nues des arbres. Pour l’instant, il fait encore beau et chaud, l’ombre du sous-bois est donc fort agréable. Lorsque nous en sortons, nous arrivons au Kerbholz où une petite maison accueille ses habitants venus profiter de l’endroit pendant la belle saison. Les murs épais gardent la fraîcheur à l’intérieur, et à l’extérieur tous peuvent profiter du soleil, de la douceur du vent et de la vue splendide sur les environs. En effet, le site est comme un audacieux observatoire tourné sur les Spitzkoepfe au premier plan et sur les Hohneck au fond. Le chien qui garde la maison lui aussi semble apprécier ce fabuleux spectacle car il n’aboie même pas lorsque nous passons près de lui.
> La légende des nains du Kerbholtz
Au-dessus des pierres, des herbes folles, des fleurs agitées par le vent et au-dessus des petits sapins qui entourent le petit promontoire, la crête hérissée des Spitzkoepfe est debout comme pour s’élever plus haut que son illustre voisin qui lui, peut-être plus vieux et plus sage, fait le dos rond. Je veux bien sûr parler du Grand Hohneck, troisième sommet des Vosges que nous apercevons pour la première fois. Son sommet rond et bien vert comme le gazon d’un golf n’est accidenté que par quelques pierres blanches qui sortent encore de la montagne pour nous rappeler qu’il ne faudrait pas oublier les pentes abruptes du Wormspel et du Frankenthal que nous verrons plus tard. Le Hohneck dans sa grande sagesse a préféré montrer un sommet calme et rond pour ne pas éveiller la jalousie et pour faire dire à celui qui ne le connaît pas que c’est seulement un petit sommet d’une vieille chaîne de montagnes érodées par le vent la pluie et le gel. Le Hohneck garde ses trésors et ne les livre qu’à celui qui ose s’approcher de ce prince des Vosges. Élançons-nous donc sur cette portion du rectangle bleu qui jusqu’au Col de Schlucht est peut-être le plus beau sentier des Vosges.
Nous marchons tout d’abord à flanc de montagne entourés par les vénérables sapins du lieu. Puis nous voilà dans un endroit plus lumineux qui est l’Ammelthal. Ce cirque semble être à l’abandon. De grands arbres gisent là par terre. En fait, c’est ici que la nature est à son état sauvage, elle s’autorégule sans que les hommes voulant sûrement bien faire en fassent un lieu propre et civilisé. Le cirque est sauvage, c’est une vision surprenante pour moi, habitué à l’ordre et la rigueur. Pourtant les oiseaux chantent aussi bien ici qu’ailleurs, le vent circule aussi mélodieusement et le soleil envoie aussi ses rayons. Ce doit donc être la simplicité du lieu, la simplicité de la nature en général qui est attachante ici et qui nous surprend, nous humains. Grand soulagement, après ce "désordre harmonieux", revoilà un paysage plus classique. Nous commençons à longer la face sud des Spitzkoepfe. Et nous traversons de gigantesques pierriers, ce qui nous fait rêver au temps où ces monstrueux blocs étaient là-haut, au sommet de la montagne. Soudain nous arrivons à un endroit où dans les pierriers se trouvent encore quelques sapins déracinés sans doute emportés par ces blocs plus clairs que les autres que nous apercevons tout en bas. En levant la tête, on se rend alors compte que c’est tout un pan de la montagne qui s’est effondré comme on lançait des pierres depuis les murailles des châteaux pour se défendre de l’ennemi. L’ennemi de la montagne, qui peut-il être ? C’est sûrement plus le mépris de certains envers ces montagnes que de terribles brigands, mais la montagne comme les humains veut montrer sa force afin d’imposer son respect à tous ces gens dans la vallée qui pourraient oublier ce sanctuaire pourtant si proche d’eux. C’est grâce au travail de certains amoureux de ce sentier que l’on peut à nouveau passer cette zone accidentée. Pourtant, silence nous indique un panneau, car la colère de la montagne n’est peut-être pas tout à fait calmée.
> La légende de l'Esprit de la montagne
Nous revoilà dans le sous-bois et là, stupeur et silence. À dix mètres de nous, une dizaine de chamois sont là immobiles à nous regarder. Nous restons là comme si le temps s’était arrêté puis gracieusement le petit groupe s’enfuit en sautant de rochers en rochers vers leur demeure. Il nous reste alors à nous diriger vers l’observatoire du premier Spitzkopf. À nos pieds s’ouvre la vallée de la Wormsa, avec dans le fond le massif du Grand Ballon. Si on se penche, on aperçoit le lac du Fischboedle, petit étang qui se cache, protégé par les grands sapins sombres qui l’entourent. D’ailleurs, on ne peut voir ce lac que depuis deux endroits. Celui où nous nous trouvons et le rivage de l’étang. En fait, pour résumer et bien faire comprendre la magie de ce site, on pourrait le comparer à une cathédrale dont la nef serait la vallée de la Wormsa, la rosace à l’arrière serait le Grand Ballon, l’Ammelthal entre autre serait une des absidioles du chœur, le Kerbholz serait une tribune, le Fischboedle le bénitier, le Schiessrothried le baptistère, les Spitzkoepfe les restes de la voûte et enfin la flèche serait bien sûr le Grand Hohneck. Après cette rapide méditation, il nous faut poursuivre en direction du second lac de la vallée, le Schiessrothried. Il est là, aux pieds du sommet pour accueillir les larmes et l’eau de pluie qui dégoulinent des parois abruptes après un gros orage afin que l’eau n’envahisse pas la vallée, dit la légende. Pour l’instant, il fait la joie de quelques promeneurs qui se rafraîchissent dedans tout en regardant tout là-haut le maître des lieux. Le rectangle bleu n’y monte pas, c’est son grand frère, le rectangle rouge qui y passe. Nous partons donc en direction du Gaschney. Le chemin est à nouveau large, nous sommes sur une étape de liaison ce qui n’a rien de péjoratif. Ici, après le Mörenloch, nous avons une petite vue sur la vallée de Munster. Puis continuant à contourner le petit Hohneck, c’est à travers une épaisse forêt de sapins que nous arrivons dans la station du Gaschney. Là, surprise, un grand bruit tranche avec le silence qui nous était coutumier. Deux hommes, assis à l’ombre de leur chalet jouent du cor des Alpes. Sûrement sont-ce deux montagnards qui après avoir profité de la beauté du site lui rendent hommage...

© Bonnet 2003


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