Le sentier des névés
A travers les forêts et les montagnes des Vosges...
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Avertissement :
le texte décrit le sentier tel que je l'ai parcouru il y a plusieurs années. Des choses ont pu changer depuis ! Si vous voulez partir sur mes traces, prenez la précaution de préparer votre randonnée avec les outils d'aujourd'hui (cartes, guides...), c'est plus prudent !

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Un petit vent aigrelet bat la chaume du Hohneck, tempérant l'ardeur du soleil pourtant ardent de la fin juin. Les herbes jaunies et couchées par l'hiver sont à peine en train de relever timidement la tête et de reprendre couleur. ça et là, quelques pensées égayent le bord du sentier. Des corolles fermées laissent espérer les hautes hampes raides et les fleurs jaunes de la grande gentiane.
Au collet du Hohneck, la vue plonge vers l'impressionnant cirque du Wormspel, dont les pentes encore pelées ont gardé la couleur fauve de l'hiver. Là-bas, tout près, la neige étincelle au soleil.
Le sentier longe l'escarpement où plusieurs névés restent accrochés au début de l'été. Ce sont de vastes plaques balafrées de traces, car des humains, au mépris de toute prudence, se promènent jusqu'au rebord qui plonge dans le cirque. La neige est sale, grisâtre, elle gagne à être vue de loin... Le plus grand, le Schwalbennest, mesure encore un hectare.
Parfois, la neige mord encore sur le sentier, obligeant à quelques pas mal assurés dans la gadoue glissante qui fond et regèle chaque jour.
Le sentier arrive devant des rochers : c'est ici que naît la fameuse crête des Spitzkoepfe, rochers hérissés, falaises vertigineuses, alignés en dents de scie au-dessus des lacs de Schiessrothried et de Fischboedle. Des alpinistes s'exercent dans la roche difficile et friable.
Le sentier s'est infléchi vers le sud pour suivre la pente du Kastelberg. Les névés sont plus discrets, la forêt de hêtres bas escalade les glacis à l'assaut des crêtes. On devine l'ombre pleine de mystère du cirque de l'Ammelthal ; dans les arcanes des rochers poussent de petites orchidées et le précieux lys martagon, familier des Alpes. Plus loin sommeille la petite ferme du Kerbholz, un des sites plus enchanteurs des Vosges.
Le sentier, toujours étroit, descend maintenant à travers la basse hêtraie d'altitude, que les feuilles mortes teintent de couleur rousse, puis s'ouvre sur une vaste clairière. Devant moi s'ouvre un panorama attachant sur les seigneurs des Vosges, qui lèvent orgueilleusement leur casque et leur cimier. A mes pieds, la ferme Kastelbergwasen est assise au milieu de l'amphithéâtre pour le spectacle de l'éternité.
Les névés ont laissé la place à la vie humaine. Il y a des voitures près de la ferme. Impossible d'imaginer l'audace de ces amoureux des Vosges que furent les marcaires. Je n'ai pas envie de m'attarder, et il est trop tôt pour m'attabler devant une planchette paysanne.
Le chemin me ramène à la civilisation. Constamment, le paysage change d'aspect. La falaise du Rainkopf se lève, démesurée. A la ferme Firstmiss, me voici presque à la route des crêtes. Je repars à travers chaumes. Le sentier est abîmé, élargi par des marcheurs inconscients qui préfèrent la souplesse de ses bords aux cailloux du centre. Je les comprends bien, car il est parfois inconfortable, mais je le regrette, car les fleurs ne poussent plus sur ce chemin trop large martyrisé par les touristes et malgré le soleil, l'herbe de la chaume semble triste sans les gouttelettes de lumière qu'allument les pensées sauvages.
Une borne marque le sommet du Kastelberg, immense toit du monde presque plat. Je me demande comment on peut déterminer que le sommet est bien ici et pas deux mètres plus loin. La vue est limitée par l'absence de pente. Les crêtes émergent au loin de cet horizon fermé. Ce sont des mondes attachants, sauvages et romantiques, où les rochers racontent aux sapins la genèse de notre monde.
Le chemin descend doucement à travers la chaume. Sur le bord, une mare sans élégance porte le nom pourtant joli de Fontaine de la Demoiselle. Quelle gracieuse fée est venue égarer ici son hennin parmi les bouses de vaches ? Il ne s'agit que de la source captée de la Moselotte, qui dévale à travers rochers et pâturages, alimente des faignes, traverse La Bresse avant de franchir un dernier verrou morainique et de rejoindre en cascade sa grande sœur la Moselle à Remiremont.
La pente s'accentue sur quelques pas. En face se lèvent les falaises du Grand Hohneck. Tout en haut, comme un navire, toutes voiles hissées et offertes au vent, se découpe la silhouette de l'hôtel.

© Bonnet 2003

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