Avertissement :
le texte décrit le sentier tel que je l'ai parcouru il y a une trentaine d'années. Des choses ont pu changer depuis ! Si vous voulez partir sur mes traces, prenez la précaution de préparer votre randonnée avec les outils d'aujourd'hui (cartes, guides...), c'est plus prudent !
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Enfin, le ciel est d'un bleu intense, magnifique, comme lavé par les nuages qui viennent d'y passer et la pluie qui vient d'en tomber.
Je m'engage sous les sapins, à côté d'une plantation protégée. C'est ici un site privilégié des Vosges. On y trouve une végétation alpestre. On imaginerait bien des bouquetins ou des chamois sauter d'un rocher à l'autre du château à la cascade, On ne serait pas surpris de trouver un edelweiss, blotti dans un creux de rocher...
Le chemin descend doucement vers ces paysages grandioses.
Nideck !
Un nom qui chante. Une légende qui a fait le tour du monde. Un site du toute beauté dans un paysage enchanté, dans une contrée de géants...
Un bloc de rocher apparaît soudain, tout contre les arbres. Un mur l'emmène vers le ciel. Des moellons se sont détachés du mur. Ils gisent épars au milieu du chemin, et se couvrent petit à petit de mousse.
C'est le Grand Nideck.
Malheureux château. Il a été bien entretenu, on y a mis des rampes, on a cimenté, étayé, entretenu. Mais tout cela est du passé, et maintenant le château est dans un état de délabrement dangereux. Normal pour une ruine d'être délabrée, direz-vous. Oui, mais pas à ce point. Surtout quand elle s'appelle Nideck, quand le guide Michelin lui octroie plutôt généreusement deux étoiles, et quand elle est tant visitée. Et quand beaucoup de touristes sont maladroits, quand ils ne sont pas malveillants, ou plus simplement ignorants...
Montons les escaliers, le long du rocher, entre les basses branches des arbres. J'arrive sur une terrasse qui formait une cour, où se trouvaient les communs. Plus haut, devant nous, se dressait le palais, dominé par une terrasse qui couronnait un petit donjon. C'est le mur de cette terrasse, pourtant bien cimenté, qui s'effondre.
> Visiter le Grand Nideck
> L'histoire des châteaux
De tous côtés, les arbres rivalisent de hauteur avec le rocher.
Vers la plaine, on aperçoit le site grandiose formé par l'ancien volcan du Nideck. Car notre Alsace ne pouvait être en reste, elle a aussi sa terre volcanique. On voit les longues et raides falaises, formées de longs tubes, ressemblant à un orgue. Le basalte, cette roche volcanique dure et compacte donne habituellement ces formes, qu'on trouve souvent dans le Massif Central. Mais, soyons chauvins, ceux d'ici sont bien aussi grands, et ils ont la marque de la poésie et de la légende qui fait tout le charme du Nideck.
Au-delà de ces falaises où les arbres tentent encore de s'accrocher, s'ouvre la vallée de la Hasel, puis celle de la Bruche. Au fond, se lève le Heidenkopf, couronné de sa petite butte caractéristique, et les monts qui lui font cortège. A ses pieds, se tapit le Guirbaden. Un paysage infiniment attachant...
Du grand château, il faut descendre plusieurs lacets pour arriver, au sortir du taillis, au petit Nideck.
> Quelques pas dans le Petit Nideck
> La légende des géants
La chanson de la cascade parvient jusqu'ici. Ainsi, depuis les siècles, elle a scandé et rythmé la vie des châteaux. Ainsi, les nuits sans lune, on voit les burgraves faire à pas lents le tour de la ruine, et debout au sommet du donjon, écouter la cascade...
C'est très poétique, tout ça... Mais je me suis plusieurs fois demandé comment, dans des constructions où l'isolation phonique n'était pas fameuse sinon complètement inexistante, ils faisaient pour dormir.
Le sentier fait le tour du rocher du Petit Nideck. Il passe devant un petit kiosque, qui devait offrir autrefois une belle vue. Mais aujourd'hui, les arbres ont poussé ; les troncs minces qui constituaient l'armature pourrissent, le toit s'en va par plaques et il tombe en ruines, lui aussi...
Nous voici devant un petit étang. C'est le sommet de la cascade. Le sentier traverse la digue, d'où on voit le ruisseau, le Nideckbaechlein, se précipiter dans le gouffre.
Il faut alors descendre le long de la pente raide, caillouteuse, vertigineuse, en nombreux lacets qui serpentent le long du rocher. Parfois, un pan de cette imposante dalle de porphyre que saute le ruisseau apparaît entre les arbres.
Tout à coup, le bruit se fait plus profond. Les oiseaux ont même cessé de siffler. Même le vent s'est tu. Et voilà qu'entre les arbres, apparaît la chute du Nideck.
Encore quelques lacets, dans ces cailloux branlants où le pied s'assure mal, et je suis au pied de la cascade.
Le bloc de prophyre était primitivement haut de 60 mètres. Pour se rendre compte de ce que pouvait alors être la chute, il suffit de se représenter un torrent jaillissant de la plate-forme de la cathédrale de Strasbourg ! Par le jeu de l'érosion, le ruisseau a usé le haut du rocher et accumulé les débris au pied, ce qui fait que la chute verticale ne mesure plus que 25 mètres actuellement. Elle n'en est pas moins très impressionnante.
L'étang se trouve à 550 mètres d'altitude ; le bas de la cascade, alors que le ruisseau prend une pente normale, à 400. La cascade du Nideck mesure donc 150 mètres de dénivellation, avec des pentes d'au moins 60°.
L'eau fait un bruit assourdissant en tombant sur les blocs de porphyre et de basalte. Et ce n'est pourtant qu'un tout petit ruisseau.
On peut approcher jusqu'au pied de la chute. On voit alors le Nideckbaechlein sauter le pas, et tomber en myriades de gouttes irisées.
Tout là-haut, entre les arbres, apparaît le château de Nideck. Seul un géant pouvait monter un aussi formidable escalier.

Le bruit de la cascade s'estompe dans le lointain.
Le ruisseau est déjà loin au-dessous de moi. Le sentier, en corniche, longe une pente d'éboulis, sur lesquels s'accrochent des sapins. Puis la forêt s'efface pour faire place à des buissons. En arrière, apparaissent alors la cheminée de l'ancien volcan, et le cône de dêbris. Au dessus, on voit encore le donjon du Nideck.
Toutes les pentes qui nous environnent sont jonchées de débris, et couvertes de rochers aux formes tourmentées. Là-haut, l'un d'eux, non content de reconstituer les tuyaux d'orgue, en a aussi imité le buffet.
Puis, petit à petit, ces merveilles disparaissent. Le soleil éclaire violemment la vallée. Devant nous, des arbres forment la limite de la vallée de la Hasel. C'est la frontière de ce monde enchanté que j'ai eu le bonheur de traverser.
Un dernier regard en arrière. Le Nideck est là-haut, flamboyant, comme un appel, une invitation à rester dans son monde de magie et de mystère.

Voici de nouveau la route, qui longe le cours de la Hasel.
Rares sont certainement les touristes, qui vont de l'auberge du Nideck, sur la vallée de la Hasel, à Urmatt. Le sentier est à plusieurs reprises fermé, bouché par les broussailles, et de surcroît pas indiqué. Heureusement, la direction est sans surprise.
Après quelques pas sur la route, je passe un pont, qui franchit la Hasel. Elle coule maintenant à ma gauche, en sautant sur les pierres, et son murmure s'alterne avec celui du vent.
Pour l'instant, le sentier est bien tracé sous les pins, dont les aiguilles forment un épais tapis sur le sol humide. Des maisons, ou des scieries, qui profitent de la force motrice du courant, se cachent derrière les arbres. L'impression étrange d'être revenu dans le monde des humains après avoir traversé les sortilèges de la légende, la routine et la banalité après avoir approché les fées et les géants.
Je longe un terrain de camping, et peu à peu, le sentier se ferme. Et il se bouche presque complètement en arrivant à une plantation. Là, les buissons ont poussé très vite et envahi le chemin, que d'ailleurs personne ne semble emprunter.
Enfin me voici à Hohensteinwald, au pied du château de Hohenstein, perché sur un roc escarpé au sommet des monts. Là se trouve une grande scierie, et le sentier suit pour quelques pas un chemin forestier. Mais il s'en détache pour descendre à travers de sombres sapins et aboutir dans des vergers, traversant des herbes folles vers un petit étang, à deux pas du centre d'Oberhaslach.
Dans le village, de l'autre côté de la vallée, se trouve la chapelle du pèlerinage de Saint Florent, où s'était retiré l'ermite qui succéda à Saint Arbogast sur le siège épiscopal de Strasbourg. Plus loin, à Niederhaslach, se trouve la grande église Saint Florent, qui fut restaurée sur l'ordre de l'évêque Frédéric de Lichtenberg par le fils d'Erwin de Steinbach. Si on en croit la petite histoire, Florent était un homme aussi rusé que plein de confiance en Dieu : le roi lui avait promis des terres, autant que son âne entourerait en une journée ; il pensait que l'animal rétif ou paresseux ne lui faisait pas courir de risque. Au contraire, chapitré, motivé et encouragé l'âne parcourut une distance énorme et c'est tout juste s'il n'a pas fait un tour d'Alsace au grand galop.
Le sentier contourne les villages et rejoint la forêt du Stiftswald. Les riverains jouissent d'une vue magnifique vers la montagne du Ringelstein, couverte de sapins.
Le chemin forestier longe la forêt, puis y pénètre. De nombreuses essences y sont mêlées : hêtres, pins, sapins. Certains gisent par terre, lisses et bien écorcés.
Entre deux arbres, l'église de Niederhaslach apparaît, fière, massive, altière.
La direction change, le paysage aussi. Ce sont maintenant les monts qui dominent la vallée de la Bruche qui nous accompagnent ; au. loin, se dresse le Guirbaden, raide et pitoyable comme une épée cassée. Je traverse le Meisenwald, et à l'orée du bosquet des champs et des vergers, alors que les toits d'Urmatt, tache rouge sur le vert des forêts, apparaissent en contrebas, émergeant d'un repli du terrain.

© Bonnet 2004

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