Avertissement :
le texte décrit le sentier tel que je l'ai parcouru il y a une trentaine d'années. Des choses ont pu changer depuis ! Si vous voulez partir sur mes traces, prenez la précaution de préparer votre randonnée avec les outils d'aujourd'hui (cartes, guides...), c'est plus prudent !
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La vision s’est évanouie. Les quelques maisons de la Hardt, isolées du monde à l’ombre du vieux burg, sont maintenant derrière moi...
Le sentier rejoint maintenant La Hoube. Il descend vers le ruisseau dit Baerenbach. Le fond du vallon est encombré de buissons et de rocs épars qui ont dévalé la pente.
De l’autre côté du ruisseau, la forêt fait place à quelques arbres isolés, à la frange des prés. Au milieu des arbres fruitiers, au détour du chemin, apparaissent les premières maisons de la Hoube.
Au sommet du plateau, à 625 mètres d’altitude, la Hoube est le village la plus haut situé de Moselle. Un dos d’âne, recouvert d’arbres forme une curieuse tache sombre qui partage le village en deux. C'est aussi la plus haute altitude atteinte par le sentier depuis les Vosges du Nord : nous sommes ici déjà plus haut que le Grand Wintersberg dont les escarpements arrogants paraissent maintenant aussi pathétiques que pitoyables. Il n'a pas fallu longtemps pour que le géant soit ramené à ce qu'il est : une colline qui se donne des airs de montagne. Et qui, finalement, y arrive...
Près de l’église, je reprends le sentier, qui, à l’ombre des pins, descend dans le Grossthal où gazouille un ruisseau. Sur le coteau s'étagent les maisons du Zollstock, un écart du village au bord de la route.
Je remonte le long du Muhlberg. Le soleil a disparu, il fait sombre dans le sous-bois. Sur le bord du chemin, je dépasse une fontaine, avec une petite statue, ce que dans les Vosges de langue française on appelle une “chapelle”.
La forêt s’éclaircit, notre chemin débouche sur une route forestière goudronnée ; derrière quelques nuages, le soleil a l’air d’hésiter.
Et voici que le rocher de Dabo apparaît dans toute sa splendeur, dans une ouverture des sombres sapins, comme entre les montants d’une porte. Le soleil lui fait une auréole. Au sommet du rocher, la chapelle flamboie, nimbée d'une lumière céleste...
Le rocher de Dabo n’est pas sur mon chemin, mais comment résister à une telle invitation ? Le long de la route qui gravit la pente et fait plusieurs fois le tour du cône dénudé, j'arrive au pied du rocher de conglomérat grêseux. Absolument rien ne reste de l’orgueilleux château des comtes de Dagsbourg. Rien, sinon quelques traces d’escaliers creusés dans le rocher, quelques vestiges sur le rocher qu’on n’a pas pu faire disparaître.
Au sommet, se trouve la chapelle qui a remplacé la ruine. Sur la tour, d’une blancheur éclatante au soleil qui a enfin percé les nuages avant de disparaître à l’horizon, se trouve la statue du pape Saint Léon.
Saint Léon IX était-il alsacien ou lorrain ? Est-il né à Eguisheim, château de son père Hugues IV d’Eguisheim, ou à Dagsbourg, sur ce rocher, patrimoine de sa mère, Edwige de Dagsbourg ? Sans doute ne résoudra-t-on jamais cette question, et sans doute alsaciens et lorrains se disputeront-ils encore longtemps sur ce sujet... Une chose est probable : il n’est pas né ici, car en 1002, ce rocher balayé par le vent ne semble pas porter encore de construction... La vraisemblance voudrait qu'il soit né à Eguisheim, à moins que ce ne soit dans un autre château patrimonial des comtes d'Eguisheim ou des comtes de Dagsbourg. C'est mieux de ne pas le savoir. Au moins peut-on rêver.
Ceci n’empêche pas qu’on le vénère beaucoup à juste titre sur ce rocher, et que sa fête donne lieu à de grandes manifestations de piété, car ce pape alsacien-lorrain fut un grand homme.
Depuis le sommet de la tour, on découvre le plateau lorrain, qui prolonge les dernières ondulations des Vosges. Sarrebourg n'est pas loin ; les villages avoisinants sont connus pour leurs verreries comme Vallerysthal-Troisfontaines dont la réputation a passé les frontières. Le Hohwalsch masque les vallées de la Sarre, où se niche Abreschwiller et où plane le souvenir de l'écrivain Alexandre Chatrian, né dans ces forêts. A nos pieds coule la Zorn, qui s'engage vers Lutzelbourg. La Hoube et la Hardt s'étagent dans leurs clairières.
Et la grande chaîne, la ligne bleue des Vosges chère au cœur des poètes et des patriotes, barre l’horizon, avec ses sommets prestigieux couverts de forêts impénétrables, semées de rochers aux formes étranges : devant moi, au-delà du col de la Schleif, se dresse le Schneeberg ; plus loin, le Spitzberg, le Hengst et le Baerenberg forment crescendo, puis la crête s'étire vers le Grossmann. Tout au fond se profile le grand Mutzigfels. A l'horizon, au-delà de ces géants, on distingue le prince de ces lieux, le Grand Donon, la montagne sacrée des gaulois...
C'est quand l’ombre qui tombe peu à peu sur le rocher et sur la chapelle voile les montagnes, que revivent enfin les grandes heures de la vie du burg.
> L'histoire du château de Dabo
Je suis revenu à la Pépinière, au pied du rocher, pour rejoindre mon chemin. Le soleil a disparu, le rocher est noyé dans l'ombre. Seule se découpe sa spectaculaire silhouette, sur le ciel où percent les premières étoiles... Son étrave fend les sapins comme un Vaisseau Fantôme échappé d'une antique légende ou d'un décor de Wagner...


© Bonnet 2003

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